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Lecteurs (et) électeurs

Lundi 11/06/2012 | Posté par Christine Gorce

Le 24 mai au Dock des Suds, les lycéens et apprentis venus de toute la région Provence Alpes Côte d'Azur, remettaient leur prix littéraire aux auteurs qu'ils avaient choisi de distinguer. Christine nous fait le récit de cette journée, accompagné de quelques photos de l'événement.

Cette année comme chaque année depuis 8 ans, les lycéens et apprentis de la région Paca décernaient leur prix littéraire aux auteurs respectifs d'un roman et d'une bande dessinée. Choisis parmi une sélection de six romans et six albums de BD parus en 2010, les heureux élus sont cette année : Velibor Colic, écrivain d'origine bosniaque réfugié en France depuis 1992, pour "Jésus et Tito", et dans la catégorie BD : Aurélien Ducoudray (scénariste) et Eddy Vaccaro (dessinateur) pour "Championzé", une histoire de Battling Siki...

Géant en pantalon rouge qui a rêvé d'être Pelé plutôt que Jésus ou Tito, Velibor Colic monte sur la scène des Docks pour recevoir son prix et se le pose sur la tête : "ne soyez pas politiquement corrects, soyez humainement corrects", lance-t-il, "et surtout restez debout..." 

Normal, quand on a grandi dans le "Jurassic Park communiste" (sic) de l'ex-Yougoslavie tout en idolâtrant les Clash, Jack London ou Kerouac... C'est ce récit d'une jeunesse yougoslave qui a conquis les jeunes juré-es, tout autant que son auteur chaleureux et truculent.

Ducoudray et Vaccaro se sont également fait une place de choix chez nos lycéen-nes avec leur roman graphique consacré à Mbarick Fall alias "Battling Siki", boxeur d'origine sénégalaise qui fut, en 1922, le premier Africain à s'adjuger le titre de champion du monde, contre l'alors tenant du titre et idole des Français, Georges Carpentier.

En butte au racisme de ses contemporains, Battling Siki mourra criblé de balles au détour d'une rue de New York. Et Ducoudray de saluer malicieusement la salle : "Je remercie ceux qui ont voté pour nous, j'ai une pensée pour ceux qui ne l'ont pas fait... Ils vont drôlement regretter..." 

Durant la journée, quelques 900 jeunes juré-es venus de tous les départements de la Région se sont succédé sur scène ou devant leurs expositions pour présenter les travaux réalisés pendant l'année : un arbre à livres, un sténopé géant, des affiches, des carnets de voyage en terre de fiction, des films, du slam, du théâtre... Ces lycéen-nes n'ont pas seulement lu, ils ont témoigné à leur façon de leur créativité de lecteurs.

À leur tour, les romanciers, scénaristes et dessinateurs sont montés sur scène, qui pour effectuer une lecture, qui pour réaliser un match d'improvisation graphique, chanter ou jouer une chanson, dire "Le Bateau ivre" sur fond de guitare électrique, et pour Ducoudray, filmer son adversaire au cours d'un entraînement de boxe avant de débarquer sur scène boiteux, couvert de bandages et d'hématomes (bien heureusement fictifs)...

Beaucoup de ces auteurs et dessinateurs étaient déjà connus des lycéen-nes qui les avaient accueillis dans leurs établissements ou rencontrés lors des forums organisés en cours d'année.

Ils et elles les ont retrouvés à l'heure du repas pour des séances de "consultation" où chaque élève pouvait repartir avec une ordonnance de lectures personnalisée.

Jusqu'ici, pour ces lycéens confrontés en classe à une littérature classique de plus en plus éloignée de leurs préoccupations, tous les auteurs étaient des auteurs morts. Le prix littéraire PACA, co-organisé par la Région et l'Agence Régionale du Livre, est une chance unique pour eux de raviver les couleurs de l'écrit. Et pour ceux qui peinent encore sur les romans, il reste la garantie d'un plaisir assuré avec la BD...

Quand on leur demande ce qu'ils aimeraient améliorer dans ce prix, ils sont unanimes à vouloir recevoir tous les auteurs dans leur lycée.

Dans bien des cas, c'est aussi la personnalité de l'écrivain-e qui a facilité l'accès à son livre. Par son trajet de vivant vers un univers de mots ou de traits, par la force ou l'originalité de sa parole, mais aussi par la confiance qu'il a accordée à de plus jeunes que lui en se soumettant à leur jugement.

Bref, une affaire d'entre-reconnaissance et de substance existentielle qui font souvent défaut à l'approche strictement scolaire du littéraire...


                         



                                   



Crédit photos : Christine Gorce



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