Les bonbons très acidulés de Claire
Mercredi 27/05/2009 | Posté par Léa Ségura (Atelier de Journalisme de Marseille)
Ecstasy, LSD, cocaïne… Pour certains ados, la prise de drogue, totalement dédramatisée, est un élément essentiel des soirées. Claire, 15 ans, a déjà presque tout testé.
“Rolex jaune”, “colombe verte”, “point d’interrogation bleu”, “chanel rose”… Claire y goûte tous les week-ends. “C’est des bonbons”, comme elle dit. Des friandises hors du commun qui attaquent ses dents? Non, des cachets d’ecstasy qui attaquent son système nerveux et lui font passer, depuis qu’elle a 14 ans, des nuits “perchée“, terme désignant l’état d’euphorie dans lequel la prise de ces cachets la plonge.
Cheveux roses, piercings sur la lèvre et sur la joue, le maquillage qui coule, Claire représente, en apparence, l’archétype d’une certaine jeunesse “hardcore”. Et, du haut de ses 15 ans, raconte de quoi sont faits ses week-ends.
Elle vient seule d’Avignon, où elle vit, jusqu’à Marseille tous les samedi pour se rendre dans les soirées. Sac sur le dos, une fois par semaine, elle essaie d’échapper aux contrôleurs du train. “Vaut mieux garder un peu d’argent pour pouvoir prendre après”, explique-t-elle. “Prendre”, une façon pudique et détournée d’évoquer la prise de drogue. Les petits plaisirs de Claire sont coûteux, alors elle économise ou se cotise avec ses amis. Le prix d’un cachet d’ecstasy est de 5 €, le gramme de cocaïne atteint les 60 €. Depuis au moins un an elle n’a pas passé de soirée sans y toucher. “C’est pas pareil quand on prend rien, assure-t-elle. Je peux plus tenir sans ça”. Elle ne se rend plus dans les soirées pour la musique, pour passer un moment entre amis, elle y va pour “se défoncer”.
Claire a tout goûté: ecstasy pour commencer, cocaïne, puis LSD. “Au début, j’avais peur, j’ai eu plein d’hallucinations mais maintenant c’est bien”. Un jour, on lui a vendu de l’héroïne en guise de LSD. Ce jour-là, elle a passé la nuit avec le SAMU et a bel et bien frôlé l’overdose. Mais cela n’a pas suffit pour lui faire peur. “Rolex jaune”, “coeur rose”, elle connaît tous les surnoms de ces cachets ainsi que leurs effets. “Pour la première fois il vaut mieux prendre une colombe verte”, indique-t-elle, en experte. Sauf que, avec l’habitude, il en faut bien plus pour se donner des ailes. Alors elle multiplie les prises, prenant jusqu’à 8 cachets d’ecstasy dans la même nuit. En début de soirée, elle est “bien“: les cachets font l’effet désiré, elle est excitée, oublie ses soucis. Mais avec la fatigue qui gagne et la nuit qui s’étire, les effets secondaires font leur apparition.
“Qui en veut?”
Le 25 février dernier, à Marseille, une soirée comme tant d’autres pour Claire. Il n’est que minuit trente, c’est le début de la “Nuit rouge”, un grand rassemblement de dj “électro” et “hardteck” aux Dock des suds.
Manon, 16 ans, un billet de cinq euros enroulé dans les narines, encouragée par ses amis, accroupie par terre au beau milieu de la foule, s’apprête à découvrir les sensations de la cocaïne. Une fois la poudre blanche “sniffée”, elle s’allonge sur le sol et s’y roule, sous les regards moqueurs de son entourage. Un climat de compétition règne, celui qui en prendra le plus devient l’idole de la communauté. On se vante des substances ingérées, on se compare, on se prend en photos. Comme si la sensation ressentie à la suite d’une prise était minime comparée au plaisir éprouvé par la reconnaissance de ses pairs. Au milieu de la fosse, un jeune homme se fait un rail de cocaïne sur la paume de la main. Un autre, crie “qui en veut ?”, proposant sa poudre aux premiers venus. Qui ne sont pas rares…
Claire, elle, est déjà ailleurs. Assise par terre, baignant dans son vomi, elle n’est pas sûre de se souvenir de ce qu’elle a pris ce soir. La musique assourdissante résonne dans sa tête, elle vacille et lutte pour tenir droite. Autour d’elle, sont présents de nombreux jeunes. Certains dansent à l’unisson, d’autres assis par terre “sniffent” leur rails de cocaïne pour en trouver la force.
Agés de 13 à 25 ans, ils sont différents. Si la plupart semble venir de milieux plutôt aisés, ce n’est pas le cas de tous. Mais tous sont ici pour “se défoncer”.
Laura, l’amie de Claire, justifie son attitude par une situation familiale presque caricaturale: “Son père est absent, sa mère boit et ne s’occupe pas d’elle”. Livrée à elle même, la jeune fille se laisse séduire par la drogue tous les week-end. “Pour s’éloigner des ennuis de tous les jours”, dit-elle. Car la semaine, Claire s’ennuie. Alors, elle fume du cannabis et se réfugie sur son blog pour y publier les images de ces soirées où on la voit pupilles dilatées, paille dans les narines.
Claire est encore au collège. Redoublante, elle a perdu toute motivation et ne parvient pas même à se concentrer sur le brevet qui l’attend en fin d’année. La question du métier qu’elle envisage est donc incongrue. Car pour l’instant, bien loin de l’idée de se construire un avenir, elle compte surtout sur l’argent de poche que lui donne sa maman pour acheter ses friandises…
L.S. (les prénoms ont été modifiés)
Un portrait de Léa Ségura, réalisé dans le cadre de l'Atelier de Journalisme de Marseille. Vous pouvez retrouver les autres articles de l'AJM sur leur blog "C'est quoi l'histoire?"
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Léa Ségura (Atelier de Journalisme de Marseille) -
Réactions des internautes
Mercredi 27 Mai 2009, 09:28
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Je ne ferai pas la leçon aux parents, j'ai horreur de ça et surtout je sais que ça peut arriver aussi à des familles équilibrées et soudées mais franchement ces mômes qui semblent être totalement livrés à eux mêmes si jeunes, ça fait pitié.
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