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Les oubliés de la République

Lundi 02/03/2009 | Posté par Linda Kerfa (EJCM)

Rue de la République, un immeuble délabré parmi d’autres. Sur la vingtaine d’appartements, quatre restent occupés. Rencontre avec ces irréductibles qui logent encore dans un bâtiment à l’abandon.

«Allez frapper aux portes! En face, il y a une dame âgée, au dernier étage, qui ne veut pas partir». Ce pharmacien fait lui-même partie des gens qui n’ont pas envie de quitter la rue de la République. Derrière la porte vitrée de son officine se trouve l’immeuble délabré qu’il désigne. Nous traversons la rue pour recueillir le témoignage de cette habitante qui vit ici depuis plusieurs décennies. Les vieilles façades des bâtiments qui se dressent devant nous contrastent avec celles situées entre le Vieux Port et la place Sadi Carnot. Des fenêtres sales et brisées, d’autres murées. L’immeuble de cinq étages semble vide, abandonné.

Sur l’interphone : les noms des anciens habitants. Nous sonnons chez le docteur Jean-Baptiste Renucci, ophtalmologue. Après quelques minutes, la lourde porte de bois clair s’ouvre. Avec la lueur de la lumière, nous distinguons une entrée sombre. Les peintures des murs s’effritent. Nous grelottons : l’air est glacial.

Un homme aux cheveux blancs et larges lunettes nous accueillent. «Bien sûr que je suis concerné par ces expulsions !», explique le médecin. Il travaille dans ce cabinet depuis plus de 35 ans. «Moi, j’ai une reconduction de bail tacite. Pour l’instant, je reste». Il raconte l’histoire de cette rue populaire dans laquelle les commerces ont fermé les uns après les autres. «Je ne crois pas à l’ouverture de boutiques de luxe, ou peut-être dans quinze ans». L’homme soupire et hausse les épaules lorsqu’il explique les rachats de ces immeubles. «Il fallait rénover, mais avec les habitants !», lance-t-il. L’ophtalmologue évoque des pressions exercées sur les locataires pour les pousser à partir. «Les parties communes sont laissées à l’abandon. Et il y a eu quelques incendies suspects en pleine de nuit dans certains immeubles de la rue». Jean-Baptiste Renucci compte finir sa carrière ici. Il ne partira qu’avec une indemnisation «honorable».

Encore là... Jusqu'à quand?
Nous grimpons jusqu’au cinquième étage pour rencontrer «notre vieille dame». La plupart des portes d’entrée sont murées. Nous remarquons le bon état des tommettes des marches d’escalier et les murs délabrés. Palier de droite, nous sonnons. A travers la porte, nous distinguons le bruit d’une mauvaise toux. La dame qui possède cet appartement depuis plusieurs générations nous ouvre : «Je ne peux pas vous répondre. Je suis malade. Mais, en dessous, les deux appartements sont occupés».

Dans le premier : personne. En face, derrière la porte apparaît un homme grisonnant. Il porte un appareil, relié à son nez par des tuyaux, qui l’aide à respirer. Il est vêtu d’un manteau, chez lui. «Comme il n’y plus de voisins, il fait très froid». Les radiateurs ne fonctionnent plus. Djeloul, sa femme et sa fille occupent ce T4 depuis près de vingt ans. Ils n’ont pas fait partie des personnes relogées. «On attend. Notre bail court jusqu’en 2014», dit-il. Ils aimeraient rester dans le quartier et espèrent une proposition de logement. «On va aller où ? Je suis malade, je ne vais pas vivre dehors», insiste Djeloul. Sa femme rentre. Les yeux brillants, il ajoute en la regardant : «Je m’inquiète pour eux quand je ne serai plus là». Pour l’instant, ils restent dans leur appartement glacial. «On ne peut rien réparer», explique sa femme. Le couple fait partie de ceux qui regrettent ce quartier vivant. La porte de l’appartement se referme sur leur histoire.  
       
Nous redescendons et passons à nouveau devant tous ces appartements vides. Nous franchissons la porte de l’immeuble. En ce jour froid et venté de février, il fait meilleur dehors.

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Linda Kerfa (EJCM) -

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