Ils s’exposent à la rue
Mercredi 17/06/2009 | Posté par Benoît Gilles
Ils s’appellent EAA pour Exposants Anonymes Associés. Une façade nue ? Une boutique désaffectée ? Un rendez-vous pris sur la toile et ces exposants sans prétention se retrouvent pour coller leurs images.
Ce soir-là, le rendez-vous est donné à la boutique Bata, fermée depuis des lustres sur la Canebière. Il n’est pas tard, juste 21 heures et des poussières, et le jour donne cette belle couleur rose qui n’éclôt que les soirs d'été. Nous sommes à deux pas du commissariat Noailles mais personne n’en a cure : en fait d’objets subversifs, il n’y a guère que du scotch gris, un peu de patafix et des images par dizaines.
Les gens se trouvent réunis par le seul effet d'un mail qui a tourné : « L’idée est simple : une heure et un lieu de rendez-vous dans une rue de la ville. Chacun amène ce qu’il veut exposer pour créer une œuvre commune de regards anonymes offerte aux passants. Aucune contrainte de thème, de forme, d’inspiration : photos, dessins, textes, graffiti ou pochoirs sur papier… Il faut seulement pouvoir scotcher sa proposition sur un support type bois. Inutile d’être spécialiste, ce qu’on veut c’est affirmer une présence au monde démultipliée, un lien inattendu. Un geste singulier qui devient pluriel dans l’instant de l’exposition. »
Si l’action se veut sans prétention artistique ou sociale, il y a bien une intention. Mais on n’en saura pas plus. Personne sur place ne revendique d’être à l’origine de la démarche. Les propos échangés sont plutôt de l’ordre de « passes moi le scotch », « c’est collé droit ? ». Une petite troupe stationne en face de la vitrine de la boutique déjà couverte de photos, dessins, petits textes courts, toiles assassines et slogans absurdes. Des appareils crépitent pour immortaliser l’instant. Les gens se saluent et commentent sans toujours se connaître. Cela crée du lien, c'est indéniable. Tout le monde a quand même l'air de naviguer dans le même milieu créatif.
Certains badauds s’arrêtent un court instant, s’interrogent puis reprennent le cours de leur déambulation. Un groupe de touristes japonais bloquent sur une grande affiche d’un homme masqué et mitraillent le mur. « Le début de la gloire », rigole un des exposants. « T’imagines si l’image se retrouve à Tokyo ? Le délire ! ».
Peu à peu, d’autres exposants arrivent et se trouvent une place au milieu des images déjà posées, d’autres partent. Ils restent de la place. Par effet viral, la prochaine expo devrait être plus courue. Un jeune homme entreprend d’haranguer les passants, sans grand succès. « Profitez en ! C’est gratuit ! ». C’est peut-être ça le problème, la gratuité.
Photo : Jean-Paul Duarte (Collectif A vifs)
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Par Tony Off