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Le discours de La Méthode

Vendredi 29/05/2009 | Posté par Benoît Gilles

SON EN +. Le missile a décollé de La Castellane, au nord de Marseille pour venir frapper ce soir à l’Affranchi, tout à l’est. Cette arme de distraction massive s’appelle La Méthode. Sa charge active : un premier street album détonant, les 99 points du Acké. Rencontre.

Parfois le poids des années retombent sur les épaules aussi lourdement que le cartable que l’on traînait à l’école. A la question « c’est quoi le Acké ? ». Les trois MC’s de La Méthode ouvrent des yeux ronds : se pourrait-il que l’auteur de ces lignes soit passé à côté du phénomène Naruto ? Lâche ta canne, papy, La Méthode va allumer ta lanterne. D’ailleurs, leurs phases et leurs phrases éclairent déjà la route du hip hop marseillais.

C’est le monsieur que l’on appelle Mr B.Za (rapide en comorien) qui s’y colle : «Les 99 points du Acké est d’abord le concept d’un morceau délirant construit en référence à l’univers du manga et notamment à Naruto. Dans ce manga, l’un des personnages développe une technique de combat basée sur les 64 points du Acké qui sont les points vitaux, un peu comme les chakra.»

Toujours pédagogue, son compère Kirikoo (l’Afrique en référence) enchaîne : «Cela veut dire qu’avec cet album, on défend un nouveau style basé sur notre méthode, notre façon de faire du rap.» On a saisi. Reste un mystère : «Pourquoi 99 ?». Sans même un soupir retenu, K-Méléon (une langue, plusieurs voix) poursuit : «Le 99 désigne les personnes nées à l’étranger sur leur numéro de sécurité sociale. C’est aussi notre numéro fétiche.»

20minutes.marseillebondyblog.fr/files//les99pointsduacke.mp3

Voilà pour l’explication de texte. Et sur le CV de La Méthode, quelles références ? «On est surtout influencé par des artistes américains comme le Wu Tang Klan, Method Man, Eminem, Busta Rhymes, énumère K-Méléon. Mais on a aussi beaucoup écouté de rap français comme Triptik, Fabe, Oxmo Puccino… Et les Marseillais de la Fonky, IAM… »

B.Za prolonge : «Notre album est avant tout hip-hop. En France, ce mouvement a une image super dégradée. Quand on pense rap français, on pense tout de suite gangster de banlieue. On oublie que le Hip-Hop est né aux Etats-Unis à partir de valeurs positives. On n’est pas du genre à rapper qu’on braque la poste tous les 5 du mois.» «Ou pire, rigole Kirikoo. Je braque la poste et son guichet. Qu’est-ce qu’il voudrait ? Braquer la poste et son distributeur de timbres ?»


Foot ou Rap ?
Le discours de La Méthode ne se revendique ni d’un style hardcore trempé dans le bitume, ni d’un style R’n’B trempé dans le glucose. Pour preuve, ils mettent en avant les montagnes russes de leur quatre flows mêlés sans effets mielleux. Les sons et les voix se croisent et se répondent : tour à tour métalliques, syncopées ou nasales.

On pense au Saïan Supa Crew, au second degré de TTC. Ils y pensent aussi. Du même coup, leurs textes s’éloignent à grand pas de la dénonciation sociale. Pas d’hymne, pas de pathos, mais des thèmes pêchés dans leur quotidien. «On ne cherche pas à être le porte-voix d’une supposée mentalité de rue, lâche K-Méléon. On est les porte-voix de notre réalité, de nos délires communs.»

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Pas plus, ils ne mettent pas en avant leur cité, La Castellane, son supermarché du shit, sa star mondiale du football, comme un cachet faisant foi. Sans oublier d’où ils viennent et ce qu’ils sont. «On est né en 2001. A l’époque, on répétait au Centre social, on avait 16, 17 ans, explique B.Za, membre fondateur avec Kirikoo. Ensuite, K-Méléon nous a rejoints. Il venait d’un groupe de zouk et dance hall, baptisé Gwadinina. Puis Monock, du groupe 13ème cercle, est venu d’y ajouter. A partir de là, on a grave évolué.»

A leur concert, ils n’ont pas la meute de quartier qui supporte son équipe et reste bras croisés quand passent un groupe de la cité d’à côté. «Au quartier, les gens n’adhèrent pas à notre style, remarque B.Za. Cela ne correspond pas à ce qu’ils attendent d’un groupe de quartier. Mais ce n’est pas notre souci, on regarde au-delà.»

Pour porter ce regard loin, ils ont fait ce qu’il faut : arrêter de rêver et travailler. «On a commencé sur des faces B américaines et très vite, on s’est initié aux logiciels de composition. On a construit nos sons, continue B.Za. Les miens, ceux de Monock, le 4ème MC et ceux de notre nouveau compositeur, Darkness Prod.» Même chose pour « le show ». «On n’est pas resté là à se dire : je serai une star du foot ou du rap parce que c’est la seule porte de sortie pour un jeune de quartier, assène Kirikoo. Si on veut faire de la musique notre métier, il faut se donner les moyens d’y arriver.» Et, sur scène, le travail acharné a payé. Réglé comme du papier à musique parfumé aux amphés : les mots fusent, les corps se tordent, et tous s’amusent. On est loin de l’oscillation de nuque comme seule gestuelle possible.

Le 29 mai pose donc une pierre blanche dans la longue marche en avant de La Méthode. Sortie de leur premier street album, concert à l’Affranchi, -seule vraie salle hip-hop de la ville- show pensé jusqu’au bout avec premières parties, invités et ambiance club pour finir. Et après ? «On est ambitieux : on vise le marché international. Tout le monde nous le dit : notre flow passe  dans toutes les langues.» A la rentrée, La Méthode devrait s’envoler vers le Brésil. De La Castellane aux favelas de Rio, il n’y a qu’un pas. Encore faut-il la Méthode pour le franchir.


Les 99 points du Acké (Saba production/Mozaïc music), sortie officielle le 29 mai. Concert à l’Affranchi, entrée gratuite et ouverture des portes dès 20 heures. Avec RPZ, Mofack, Bad man crew, Dem-J,Bionic Man Sound.


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Benoît Gilles -