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Le Front National est-il en crise identitaire ?

Vendredi 28/10/2011 | Posté par Jan Cyril Salemi

Le vendredi 21 octobre, Omar Djellil, président de l’association Présence Citoyenne, et personnalité active et influente de la communauté musulmane de Marseille, rencontrait pour la seconde fois Jean-Marie Le Pen. Le MBB y était. VIDEO ET SONS EN +

Omar Djellil est un homme qui aime parler et faire parler. Avant son deuxième rendez-vous avec Jean-Marie Le Pen, le 21 octobre à l’Hôtel de Région, nous avons eu un long entretien avec lui. Quarante ans, né en région parisienne, de parents algériens, Omar Djellil arrive à Marseille voilà quelques années. Il devient rapidement très actif dans le milieu associatif ainsi qu’auprès de la communauté musulmane.
Membre pendant dix ans du Parti Socialiste, il milite également au sein de SOS Racisme, mais s’éloigne de ce courant et garde en lui visiblement une amertume, voire une rancune. "Au PS, on ne m’a jamais considéré comme un Français, assure-t-il, mais toujours comme quelqu’un issu de l’immigration, de la diversité". 

Zig-zag

Il s’encarte alors à l’UDF, mais la quitte au moment où elle devient le MODEM. Il fréquente ensuite un temps l’UMP, sans en devenir membre, puis s’en éloigne également. Avec en tête, le même constat : du PS à l’UMP, aucun mouvement politique n’a répondu à ses attentes.
Après ce long parcours en zig-zag, le voilà désormais en pleine ligne droite. En ligne extrême-droite, même, puisque depuis le printemps 2011, il ne cesse de se rapprocher du Front National. (écouter le son ci-dessous, la question initiale étant : "pensez-vous que la communauté musulmane peut vous suivre dans ce rapprochement avec le FN ?")

extraits

En mars 2011, premier pas, il appelle à voter FN au second tour des élections cantonales. En avril, aux côtés de Stéphane Durbec, conseiller régional FN, il visite le quartier de la Porte d’Aix ainsi que la mosquée de la rue Camille-Pelletan, dont il est alors le secrétaire général. En mai, enfin, une première rencontre avec Jean-Marie Le Pen est organisée.
De là, va naître, selon les propres mots d’Omar Djellil, "une relation privilégiée" avec le président d’honneur du FN. Entre eux deux, s’installe un respect, mêlé à la fois de fascination et d’une sorte de repentance mutuelle. La famille Djellil a un long passé militaire, rempli de médailles et de faits d’armes, et les deux hommes trouvent là un terrain d’entente approprié. (écouter le son ci-dessous)

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Les questions concernant la guerre d’Algérie sont également au cœur de leurs échanges. Elles sont parfois sources de désaccord, parfois aussi de convergence (voir plus loin). Mais "ce n’est plus ça qui intéresse les jeunes générations", explique O. Djellil, qui n’hésite pas, par ailleurs, à relativiser l’utilisation de la torture, rebaptisée "mesures de contrainte". (écouter le son ci-dessous)

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Identitaires contre modérés
Ce rapprochement, pour le moins troublant vu de l’extérieur, l’est d’autant plus au sein du FN. Le courant identitaire, se réclamant de l’esprit “Français de souche”, largement majoritaire au parti, ne l’accepte pas.
Mais Jean-Marie Le Pen, dont l’influence est encore immense, en particulier en Provence Alpes Côte d’Azur, somme ses troupes, dans la région, de se plier à cette nouvelle ligne. Un courant modéré, ouvert aux "patriotes musulmans, quelle que soit leur origine", fait donc son apparition au FN, officiellement soutenu par J.M. Le Pen.
Une alliance du diable et du bon Dieu, en somme ? Oui et non. Car les choses ne sont pas si simples.

Même s’il s’en défend, O. Djellil pourrait bien n’être qu’un jouet dans une lutte de pouvoir interne. Bien que les modérés commencent à se faire une place au sein du parti, ils restent minoritaires. Marine Le Pen, qui conduit désormais le FN, est opposée à ce rapprochement, et elle a toujours refusé de rencontrer O. Djellil. Ce qui selon lui, s’explique par le fait qu’elle est "mal conseillée, ce qui la mène à des incohérences. Elle sait que la base du parti, c’est les identitaires. Elle a peur de la scission, alors elle cherche à être consensuelle." 

Tandis que son père a sans doute déjà saisi tout le bénéfice qu’il peut retirer en ayant à ses côtés "un musulman patriote". Le calcul est risqué car, O. Djellil le rappelle, "en PACA, la majorité des électeurs FN sont des pieds-noirs, qui sont dans une logique identitaire". Mais si le pari est audacieux, il est également bien pesé, et un tel changement de cap ne peut se faire sans arrière-pensée. O. Djellil, en se référant à des discours pro-musulmans, tenus par J.M. Le Pen pendant la Guerre d’Algérie, croit, ou feint de croire, qu’il a contribué à ranimer cet "esprit de 1958" et à le faire évoluer sur les questions d’immigration. (écouter le son ci-dessous)

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Mais en vieux renard de la politique, J.M. Le Pen a compris l’intérêt qu’il a à apparaître désormais comme le leader du courant modéré du FN. Dans le but probable de garder la main sur un parti qu’il a créé, et dont il perçoit parfaitement les mutations et les évolutions. Sa prise de position nette contre les identitaires, visible sur cette vidéo (à partir de 13mn20sec), réalisée à l’issue de la rencontre de vendredi dernier, en est l’illustration.

La gauche de l’extrême-droite
Le FN est en pleine mutation, cela ne fait aucun doute. Les références à un discours de gauche sont de plus en plus marquées, et même engagées. Il n’est qu’à réécouter les propos de Marine Le Pen, déclarant qu’elle partage des idées avec Arnaud Montebourg ou Emmanuel Todd, ou se souvenir de ces affiches récentes, affirmant que "Jaurès aurait voté FN".
Ainsi également, Grégory Gennaro, jeune pousse du FN à Marseille, qui signe la vidéo citée plus haut, se présente comme l’aile gauche du FN. "Aujourd’hui on ne peut être que de gauche", explique tout simplement ce jeune homme de 28 ans, clairement positionné dans la ligne modérée aux côtés d’O. Djellil et J.M. Le Pen.

Les identitaires, menés à Marseille par Stéphane Ravier, n’ont pas pour autant baissé la garde. Et malgré le mot d’ordre du chef, les luttes internes risquent de durer encore longtemps dans le FN local. O. Djellil, qui pour l’heure n’est pas membre du FN, sera certainement l’un des acteurs majeurs de cette bataille politique. Et il se voit d’ores et déjà comme "un leader du Front", prêt à s’engager dans un combat électoral "aux côtés de Maître Collard". (écouter le son ci-dessous)

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Quelle sera alors l’attitude de la communauté musulmane ? O. Djellil assure qu’il a le soutien de nombreux musulmans qui "approuvent la démarche de dialogue". Nombreux sont aussi ceux qui tombent de haut quand ils apprennent cet engagement. Comme cet homme, habitant du quartier de la Porte d’Aix, qui connaît bien O. Djellil pour son action à la mosquée et au sein de la communauté musulmane, et n’arrive pas à y croire. "Il fait fausse route, il fait fausse route", répète-t-il, encore incrédule.



Vous trouverez ci-dessous une courte interview vidéo de J.M. Le Pen, réalisée dans son bureau du conseil régional. Vous noterez au mur, derrière O. Djellil, l’affiche, censurée lors des élections cantonales de mars 2011, "Non à l’islamisme", représentant une carte de France couverte du drapeau algérien et parsemée de minarets.
Vous noterez également une phrase de J.M Le Pen, assurant qu’O. Djellil "écrit beaucoup", suivie d’un rire complice (1mn01sec), ceci étant probablement une allusion à 
"la lettre ouverte à Marine Le Pen", écrite par O. Djellil en juillet 2011.





Entretien avec Omar Djellil : Gaëlle Cloarec, Jan Cyril Salemi, Sharif

Prise de sons et montage sonore : Gaëlle Cloarec

Images et montage video : Jan Cyril Salemi

Crédit photo : Gaëlle Cloarec

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Jan Cyril Salemi -


Réactions des internautes

Romuald
Vendredi 28 Octobre 2011, 14:22
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A propos de la « gauchisation » du FN, en tout cas concernant son programme économique, le FN a dès les années '80 su récupérer l'électorat ouvrier, que le PCF et le PS ont progressivement abandonné au profit du vote immigré.

Car, si on remonte un peu dans le temps, les syndicats ouvriers de la fin du XIXème siècle, CGT en tête, réclamait la préférence nationale; à l'approche de Noël 1980, le maire PCF faisait détruire au tractopelle un foyer de travailleurs maliens à Vitry-sur-Seine; tandis que Robert Hue, maire PCF de Montigny-les-Cormeilles, manifestait contre les trafics de drogue.
Il avait même fait exulser de chez elle une famille de Marocains dont le père était soupçonné de trafics.
Je n'invente rien, il existe des archives de l'INA sur ces faits.

Marchais, lui, en pleine campagne présidentielle de 1981, posait le problème de l'immigration (massive), main d'oeuvre bon marché qui profite au patronat, aux employeurs verreux et aux marchands de sommeils.

A lire à ce propos l'ouvrage d'Hervé Algalarrondo « La gauche et la préférence immigrée ».


En 1981, le PS remporte les élections, et le PCF se tourne, lui aussi, vers les immigrés.
L'électorat ouvrier, lui, accueille alors favorablement le... FN. Le FN version Marine Le Pen ne s'est donc pas gauchisé, en revanche, il a insisté plus sur la défense des ouvriers, dénoncé une mondialisation que, forcément, mondialistes de droite (UMP) et internationalistes de gauche (PS, PCF) font mine de dénoncer.


En ce qui concerne l'alliance de la carpe et du lapin, pardon, d'une certaine frange du FN avec les musulmans marseillais, cela fait suite si j'ai bien suivi, à une initiative conjointe de Stéphane Duberc (FN) et Omar Djellil.
Ce Duberc est proche des « Soraliens », lesquels, par haine des juifs, trouvent fréquentables les musulmans surtout s'ils sont pro-Palestine.
Duberc est lui-même Antillais; je me demande si derrière ce rapprochement Duberc-Djellil, ne se profile pas une idéologie à la Dieudonné, ou même Kemi Seba, qui parce qu'ils semblent éprouver des problèmes identitaires vis-à-vis de la colonisation, de l'esclavage, en veulent aux juifs d'avoir réussi à imposer lois mémorielles, régulières couvertures médiatiques de l'extermination des juifs (il y a peu dans les manuels scolaires encore appelée « Shoah »).

Or quel fut le fond de commerce de Jean-Marie Le Pen ? Vichy, les juifs, les Allemands etc.


Ce rapprochement n'a donc rien de surprenant.


Marine Le Pen, elle, est dans une démarche carrément inverse, puisque, par rejet de l'islam(isation), elle tente de se rapprocher de l'électorat juif, surtout s'il est pro-sioniste...

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Jan Cyril Salemi
Lundi 31 Octobre 2011, 00:19
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Re:
Ton analyse est assez complète et assez juste. J'ajouterais juste que si, effectivement, le FN a récupéré une partie du vote ouvrier depuis les années 80, il ne revendiquait pas ouvertement un discours de gauche. C'est désormais le cas, chez les militants comme chez les dirigeants du parti.

Quant à l'orientation pro-sioniste voulue par Marine Le Pen, c'est effectivement un élément de plus dans la lutte de pouvoir interne, O. Djellil, nous en a également parlé. 
D'un côté, le père, toujours ambigu sur la question du génocide juif, et désormais ouvert aux musulmans, de l'autre, la fille, qui a coupé avec l'héritage du "détail", et se pose en farouche islamophobe.

Sur ces points, le clivage entre eux deux semble assez net.

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zaza
Mercredi 2 Novembre 2011, 20:11
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