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Une Française en Syrie - Episode 2/3

Mercredi 11/01/2012 | Posté par Christine Gorce

Difficile de savoir ce qu’il se passe réellement en Syrie. Fin décembre, à Aubagne, Marie-Ange Patrizio témoignait de son récent voyage dans le pays. Christine assistait à la soirée. Elle nous relate ici ce récit, bien loin de la version officielle. Nous vous le présentons cette semaine en trois volets. Libre à chacun de se faire sa propre opinion.

Depuis le début du “printemps” syrien en mars 2011, les médias européens ont été unanimes à condamner la répression meurtrière qu’aurait menée Bachar al-Assad contre son peuple, en réprimant une contestation fondamentalement démocratique et désarmée. Au moins 5000 morts (selon l’ONU), qui expliqueraient la transformation d’une insurrection non-violente en guérilla. C’est ce tableau univoque que Marie-Ange Patrizio entend contester, dénonçant, entre autres choses, la campagne de désinformation lancée contre le régime de Damas.

Six jours (dont un passé à Beyrouth), c’est peu. Mais tous les récits ne sont-ils pas libres et égaux en droit, surtout quand ils font pièce à une version unique proclamée par les médias officiels ? De son séjour, Marie-Ange Patrizio formule un récit minutieux, attentif à la parole recueillie, aux ambiances et aux détails qui dressent peu à peu un contrepoint au récit médiatique officiel.

Tout d’abord, comment ne pas s’étonner avec elle que cette invitation, initialement adressée à une cinquantaine de journalistes, n’ait été acceptée que par une quinzaine de personnes, dont cinq journalistes et aucun(e) de Français, au motif que la presse n’est pas libre en Syrie ?

Deux des journalistes invités (du quotidien "La Libre Belgique" et de "la Radio Télévision Belge Francophone") ont pu se rendre dans les quartiers insurgés d’Homs et parvenir à cette conclusion : exécutions sommaires, enlèvements, mutilations et menaces sur les civils ne sont pas le fait de l’armée syrienne mais bien des bandes armées infiltrées depuis les frontières turques et libanaises.

Selon Christophe Lamfalussy (de "La Libre Belgique"), la violence déchaînée des soi-disant combattants de la liberté est en train de “susciter à l’intérieur du pays une énorme mobilisation en faveur du président Bachar al-Assad et de l’unité nationale.”

C’est également l’impression de M-A. Patrizio qui relate une vibrante manifestation de soutien au régime observée à Damas. Cette manifestation massive, selon elle, était composée d’une nombre notable de moins de 25 ans, tous pro-Assad, chantant des chants patriotiques et vilipendant le président Sarkozy.
Ces mêmes interlocuteurs qui tendent leur carte d’identité aux objectifs afin d’authentifier leur témoignage, et d’assumer face aux démocraties étrangères des positions qu’on voudrait résumer à leur place.
 
Opposants et opposition(s) syrienne(s)
N’y aurait-il donc pas d’opposition anti-Assad en Syrie ? Pour M-A Patrizio, accompagnée à Aubagne d’une opposante syrienne en exil, il existe une opposition du “Dialogue national”. Celle-là même qui réclamait des réformes à l’intérieur du régime - assorties d’une nouvelle constitution - et qui a cessé de manifester depuis que le dialogue s’est officialisé.

L’ensemble de la population - simultanément touchée par les sanctions économiques contre le pays, les exactions des bandes armées et la menace d’une intervention de l’OTAN - est de plus en plus fondée à redouter un destin à l’irakienne ou à la libyenne, qui la plongerait dans la violence tout en la dépossédant de sa souveraineté.

C’est dire que le schéma d’une population martyrisée par les forces de sécurité est au moins partiel. Lors d’une entrevue à Baniyas avec des témoins (civils) et victimes (militaires) de l’embuscade du 10 avril 2011 menée par un groupe armé contre un convoi de 105 soldats, M-A Patrizio consigne le témoignage du sergent Jihad Mohamad, amputé des deux jambes après avoir sauté sur un engin explosif.

Celui-ci, pour préserver ses troupes, s’est jeté sur une bombe, au vu des dégâts provoqués par la précédente. Ses hommes avaient reçu ordre de ne pas riposter. 51 victimes en tout (tués et blessés), prises sous un feu nourri qui a empêché de les secourir. Les soldats qui n’étaient pas blessés ont pris la fuite.

Selon le sergent, “il y avait déjà eu des attaques qui avaient entraîné les consignes de ne pas tirer”et de même lors des manifestations. La jeune femme syrienne présente ce soir-là confirme : son neveu est dans l’armée, il affirme qu’il se rendait aux manifestations sans armes.

 

Troisième volet à paraître jeudi 12 janvier 






Illustration : Sabine Réthoré



Marie-Ange Patrizio est psychologue et traductrice, militante anti-impérialiste et contributrice à Comaguer (“Comprendre et agir contre la guerre”).
Consulter cette page pour lire l’ensemble de ses témoignages.


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Christine Gorce -